Article paru dans la presse

POUR Mélomane  Article de RAYMOND BOCHET

Voilà enfin la 505 dotée du moteur que son haut de gamme aurait toujours dû posséder. Bien entendu nous ne parlons pas du V6 première version, mais de sa dernière version " à manetons décalés ". En effet, le son qu'il émet est si mélodieux que l'on prend désormais un réel plaisir à écouter cette 505. Et ceci d'autant plus que l'on avait pris l'habitude d'identifier la bonne vieille berline de Sochaux grâce à des sonorités beaucoup plus rustiques : depuis le claquement des versions Diesel, en passant par le morne " ronron" du lymphatique  4 cylindres 2.2 litres de la GTI, jusqu'au bruit rauque du vieux moteur Chrysler turbocompressé au fonctionnement plus besogneux que réellement noble...

Présentée en 1979, la 505 devient _ après l'abandon de la 604 pour le millésime 87_ le porte drapeau de la firme de Sochaux. Le modèle Turbo, dans sa dernière version de 180ch, qui lui permet d'ailleurs de tenir la dragué haute depuis plus d'un an à un modèle qui fut longtemps considéré comme une référence dans la catégorie des berlines sportives : la BMW 528i. Lors d'un match avec cette dernière ( Sport Auto de novembre 85 ), la 505 turbo s'était avérée l'égal de sa rivale, pour le meilleur (performances ), comme pour le pire ( aérodynamique dépassé ). Mais son handicap le plus grand, elle le devait au manque totale de noblesse de son vieux 4 cylindres, comparé au noble 6 cylindres de la BMW. Désormais, avec le nouveau V6, la 505 rejoint la 528i aussi sur ce point, et elle peut ainsi afficher des prestations égales à égales vis à vis des puristes puisqu'elle est enfin dotée d'une noble mécanique.

LE GLAS DE LA TURBO ?

Comme nous vous l'avons déjà signalé dans la présentation de la 505 V6 ( Sport Auto de Septembre),le nouveau V6 PRV " à manetons décalés" devient compétitif face à ses concurrents. Compte tenu de sa cylindrée ( version 2.8 litres dans la 505), il reste toutefois en dessous de la référence que constitue le 6 cylindres en ligne BMW ( 2.8 litres également dans la 528i). En effet, si les valeurs de couple sont très proches ( 24mkg à 4150 tr/mn pour le PRV contre 24.5 à 4200 pour le BMW), l'handicap de puissance est tout de même de 14 ch ( 170 pour le PRV contre 184 au BMW).

Pour en revenir à nos deux 505, les performances de la V6 sont _comme on pouvait s'y attendre compte tenu du faible écart  de puissance (10ch)_très proche de la Turbo 180 ch, sauf en reprises où le couple supérieur de la version suralimentée (28 mkg à 3000 tours) lui permet de distancé sa consoeur. Nous avons mesuré la V6 à 206 km/h (209 pour la Turbo) et nous avons obtenu 15"9 / 29"9 sur les 400/1000 m départ arrêté contre 16"1 / 29"7. Par contre, en reprises, l'écart est beaucoup plus net puisque sur le  100/140 km/h réels en 5è, nous avons obtenu 14"3 avec la V6 contre 11"6 avec la Turbo. De plus il nous parait de signaler que la consommation de la V6 en conduite sportive s'est avérée assez sensiblement inférieure à celle de la Turbo ( 17 litres/100 km contre 20.5), valeurs qui sont d'ailleurs à rapprocher des 19 litres avec la 528i. Ce chiffre de 17 litres est à rapprocher des 16.5 litres de la R25 V6 ( Sport Auto de mars 84) dotée de l'ancien PRV en version 2.7 litres et dont la puissance (144 ch)est inférieure de 26ch ! Et nous ne ferons pas l'affront de comparer les valeurs aérodynamiques de la 505 à celles de la R25....

Apparemment donc le progrès du V6 PRV sont réels. Pourtant, comme nous l'avons déjà signalé dans notre présentation du mois dernier, nous sommes tout de même déçus. En effet, si vous vous souvenez bien, en 1981, une certaine Tagora SX_ au fait le jour où vous en voyez une pensez à faire un voeu _ dotée comme la R25 V6, du PRV 2.7 litres, développait 165 ch et un couple de 23.4 mkg à 4200 tr/min....Bien sûr, avec ses deux triple corps Weber sa consommation dépassait les 20 litres/100 km. Mais son Cx était de 0.44 ! Si les progrès sont donc réels, ils ne sont pas extraordinaires puisque la puissance spécifique du moteur à même baissé (60 ch/l pour la 505 V6 contre 62 à la Tagora SX)...

JE CIRE POUR VOUS !

A quoi bon donc une injection électronique sophistiquée ( avec coupure en décélération) et un allumage cartographique pour une progression aussi discrète concernant presque uniquement la consommation. Il est certain qu'en offrant une puissance supérieure, la 505 V6 aurait définitivement tuée la Turbo, mais à notre avis cela est déjà fait. En effet le plaisir avec le nouveau V6 vaut largement les quelques km/h et les quelques secondes concédés respectivement en vitesse maxi et reprises. De plus nos deux soeurs valent le même prix et leur équipement est identique. Enfin, le défaut d'étagement de la boite de vitesses ( 3 premiers rapports trop courts) est mieux digéré par le V6 au couple inférieur mais à la plage d'utilisation plus large. Malheureusement, le retour rencontré au niveau du comportement doit prendre des proportions encore plus graves sur la Turbo....

Désormais, dans sa version V6, la 505 peut trouver sa place dans le cœur des puristes puisque avec le nouveau PRV à manetons décalés , elle est ( enfin ) dotée d'une mécanique noble. 

 

 

Nous avons déjà exprimé notre stupeur le mois dernier en apprenant que l'adoption de l'ABS avait entraîné la disparition de l'autobloquant !, L'ampleur des dégâts sur le comportement de la 505, souvent citée en référence dans ce domaine, ne s'est pas fait attendre, comme nous le laissions sous entendre le mois dernier....Conduite à un rythme modéré sur route sèche et en grandes courbes, la 505 V6 est très équilibrée et particulièrement confortable grâce notamment à un amortissement parfaitement maîtrisé ( certains constructeurs allemands d'ailleurs devraient bien s'en inspirer !). Mais dès que l'on hausse le rythme, et que la route devient plus sinueuse, les pertes de motricité surviennent et la roue intérieure cire en dégageant  un panache de fumée digne de celui soulevé par la Torino de Starsky et Hutch lorsqu'ils font un demi-tour pour se lancer à la poursuite des truands. Et heureusement , la chaussée est restée sèche pendant toute la durée de notre essai. Nous n'avons pas eu l'occasion d'essayer la nouvelle Turbo dépourvue elle aussi de cet " accessoire", mais compte tenu du résultat obtenu avec la V6, nous préférons en rester là et nous vous laissons imaginer la scène avec 10 ch supplémentaires et surtout  4 mkg de couple en plus !

Les raisons "d'incompatibilité technique " évoquées par Peugeot entre l'ABS Teves et un autobloquant classique ne nous a pas convaincu, et cela d'autant plus que la parade technique existe : soit adopter un autobloquant visqueux ( cf Ford), soit un autre ABS ( cf Mercedes ou BMW). Ce choix est fort regrettable car, comme nous l'avions signalé dans nos matchs contre la 528i ( Sport Auto de novembre 85) ou contre la BMW 525i et l'Alfa 75 Turbo ( Sport Auto de juillet), la 505 Turbo restait une référence sur le plan du comportement et n'avait absolument pas vieilli.

UN PRIX TRES COMPETITIF

Pourquoi donc en lui adoptant (enfin) l'ABS, Peugeot fait-il effectuer à la 505 un retour en arrière ? Peut-être pour les mêmes sombres raisons que celles du " loupé " du train avant de la 309 ou de celles qui nous font toujours attendre une transmission intégrale de série de la part d'un constructeur venant de glaner son deuxième titre mondial des rallyes, prouvant ainsi sa parfait maîtrise de cette technique au plus haut niveau, mais ne l'appliquant toujours pas à sa production...

Les toutes premières conséquences étant pour Peugeot l'obligation de devoir se retirer de la compétition faute de pouvoir présenter un Groupe A compétitive . La mise en cause des règlements a bon dos n'est-ce pas ? Audi, Lancia ou Mazda n'ont pas protesté, eux ...et pour cause !

Mais, pour revenir à notre 505 V6, nous regrettons d'autant plus cette bavure que ,dotée désormais en série de l'ABS et d'un moteur noble, son prix reste particulièrement compétitif : moins de 150 000 fr. Sa plus proche concurrente au point de vue prix _ la Scorpio Ghia 2.8 litres "propulsion" proposée à 157 000 F avec l'ABS_ ne supporte pas la comparaison sur le plan du comportement avec la 505 V6. Si , comme cette dernière, elle est dépourvue d'autobloquant, proposé  toutefois en option, elle est également dépourvue d'amortisseurs, dotée de pneus série 70 et affublée d'une boite 4+1 ( Sport Auto de juiller 85).

Toutes les autres concurrents de la 505 V6 passent quand à elle largement la barre des 160 000 F, qu'il s'agisse de propulsions _ 167 900 F ave c la 528i, avec l'ABS mais sans autobloquant ( option), avec une boite 4+1 (boite " sport" en option) et pas trop d'amortisseurs ( suspension "sport" en option toujours !)_ ou de tractions _ 164 900 F pour la R25 V6 avec ABS ou 168 920 F pour la Théma V6 avec ABS également. Ces deux dernières voitures équipées de l'ancien PRV sont beaucoup moins puissantes que la 505 V6 ( 144 ch pour la Renault et 150 ch pour la Lancia), mais aussi rapides car beaucoup plus aérodynamiques. Attention d'ailleurs car il se pourrait bien qu'elles se trouvent prochainement équipées du même moteur que la 505 qui , dans se cas se retrouverait loin derrière ...Quoi qu'il en soit, nous tenons tout de même à saluer cette initiative de Peugeot qui nous permet, après Renault l'année dernière avec la R25 Turbo, d'avoir une deuxième berline française dotée d'un moteur noble. Mais nous continuons à penser que la 505 mérite mieux ( à condition de lui remettre un autobloquant !). Pourquoi pas une version Turbo ou 24 soupapes de ce V6 qui en développant 220 ch permettrait à la 505 de franchir malgré son aérodynamique dépassé (cf BMW M535i) la barre des 230km/h et de se hisser tout en haut de la hiérarchie des berlines sportives. Nous l'espérons vivement avant que Peugeot ne signe l'arrêt de la 505 : il lui doit bien çà....